Publication scientifique

Absolument non exhaustif, ce dossier s’appuie sur les travaux de Laurent Larrieu, infatigable chercheur du CNPF-CRPF Occitanie- INRAE, bien connu du « groupe forêt », et de certains collègues de l’unité Dynafor (Toulouse). Pour différents réseaux Laurent synthétise des articles scientifiques dont il est co-auteur, nous vous en faisons profiter.

La multifonctionnalité des forêts ne résiste pas à la sylviculture intensive

Les conséquences néfastes d’une gestion intensive des écosystèmes pour la biodiversité et les services écosystémiques sont largement documentées. Mais ces conséquences sont-elles réversibles si le mode de gestion change ? Quelle est la résilience des écosystèmes (c’est-à-dire leur capacité à retrouver leur état de fonctionnement initial) en termes de multifonctionnalité ? La présente étude a tenté de répondre à cette question pour les forêts boréales en utilisant le concept de résilience. Au moyen de simulations, les chercheurs ont à la fois évalué le fonctionnement des services écosystémiques dans le cas d’une gestion focalisée uniquement sur la production et leur capacité à retrouver leur niveau initial en cas de transition vers une gestion multifonctionnelle. 

Les résultats montrent que la sylviculture intensive diminue fortement la multifonctionnalité et que, plus la gestion intensive a été pratiquée pendant une longue période, plus la forêt aura besoin de temps pour récupérer. La sylviculture intensive ne réduit donc pas uniquement la capacité des forêts à fournir les services écosystémiques, mais réduit également leur résilience. Ces résultats plaident donc pour un ajustement des pratiques de gestion dès aujourd’hui pour répondre aux objectifs de durabilité sur le long terme.

Phjanmies T. et al. (2021). Forest multifunctionality is not resilient to intensive forestry, European Journal of Forest Research, volume 140: 537-549. 

 

Ressources INRAE avec un dossier spécial sur « Futurs : quelles gestions des forêts pour demain » : « Production de bois, espace de loisirs, puits de carbone… Les forêts offrent de multiples services essentiels aux humains et à la Terre. Face à des aléas météorologiques qui s’intensifient avec le réchauffement climatique et des changements globaux menaçants (commerce international, déforestation), certains massifs dépérissent à un rythme inquiétant et nous invite à revoir la façon de gérer les forêts ».

https://fr.calameo.com/read/006800896c31a6839526c?page=16

 

« Les régimes de perturbations naturelles comme guide pour la gestion durable des forêts en Europe »

Compare les régimes de perturbations naturelles (mortalité d’arbres isolés ou en petits groupes, feux, vastes chablis, pullulation d’insectes déprédateurs) et anthropiques (les coupes) dans les forêts tempérées et boréales européennes, sur la base de 3 critères : (i) la surface moyenne affectée par les différentes perturbations, (ii) leurs fréquences et (iii) les structures résiduelles laissées dans le peuplement (% de biomasse laissée dans le peuplement par la perturbation).

Les principaux résultats :

  1. Les perturbations naturelles sont extrêmement variables en taille, fréquence et quantité de structures résiduelles et la gestion forestière ne couvre pas cette diversité
  2.  La plus grande différence entre perturbations naturelles et gestion forestière réside dans les très faibles quantités de structures résiduelles laissées par la gestion
  3. Bien que la gestion en structure régulière soit le système le plus employé en Europe (environ 73 % des surfaces gérées), la gestion en irrégulier se rapproche plus des régimes de perturbations naturelles ; néanmoins, elle est bien loin de couvrir la gamme de complexité caractéristique des perturbations naturelles

Au final, nous préconisons d’adopter en Europe un système de sylviculture qui intègre les dynamiques naturelles, au moins dans les forêts gérées dans l’objectif de fournir une gamme de services écosystémiques. L’idée sous-jacente est d’enrayer la perte de biodiversité constatée dans les forêts exploitées, ce qui pourrait en autres réduire leur résilience face aux variations climatiques.

La réf complète : Aszalós, R., Thom, D., Aakala, T., Angelstam, P., Brūmelis, G., Gálhidy, L., Gratzer, G., Hlásny, T., Katzensteiner, K., Kovács, B., Knoke, T., Larrieu, L., Motta, R., Müller, J., Ódor, P., Roženbergar, D., Paillet, Y., Pitar, D., Standovár, T., Svoboda, M., Szwagrzyk, J., Toscani, P., Keeton, W.S. 2022. Natural disturbance regimes as a guide for sustainable forest management in Europe. Ecological Applications: e2596. https://doi.org/10.1002/eap.2596

 

Reconnaître les arbres-habitats grâce à l’application habitat.sylvotheque.ch.

Dans Forêt Entreprise, un court article de deux pages.

Bütler R., Rosset C., Larrieu L. (2021). Forêt Entreprise 261 : 16-17.

 

"Les héritages socio-écologiques des pratiques séculaires de fabrication de charbon de bois dans une forêt de montagne »

  • Via une approche pluridisciplinaire, un ensemble d’éléments sont étudiés en détail qui définit l’ « historique de la forêt » ; entre autres, elle va permettre d’y voir plus clair sur la dynamique passée des forêts que l’on considère actuellement comme « subnaturelles »…
  • Il est intéressant de constater que, contrairement à l’idée répandue, les gestionnaires de cette forêt ariègoise qui se sont succédés pendant des millénaires avaient à cœur de préserver la ressource ligneuse; néanmoins, la conservation de la biodiversité n’était pas leur préoccupation principale… ;

Fouédjeu, L., Paradis-Grenouillet, S., Larrieu, L., Saulnier, M., Burri, S., & Py-Saragaglia, V. (2021). The socio-ecological legacies of centuries-old charcoal making practices in a mountain forest of the Northern Pyrenees. Forest Ecology and Management, 502, 119717.

 

Trois papiers publiés dans la Revue Forestière Française, deux consacrés à la « libre évolution des forêts » et un aux forêts anciennes

Garrigue, J , Larrieu, L , & Boisson, B (2021). Que voit-on dans une forêt en libre évolution que l’on ne voit pas ailleurs ? Trois regards complémentaires. Revue forestière française, 73(2-3 « Des forêts en libre évolution »), 137-160 ; doi : 10 20870/revforfr 2021 546

Cosigné par un conservateur de réserve naturelle nationale et un photographe, écrivain, conférencier et un chercheur. « Des espaces forestiers en libre évolution : Pourquoi ? Où ? Comment ? Que dit la science ? »

 

Debaive, N , Drapier, N , Gautier, G , Larrieu, L , & Bütler, R (2021). Espaces protégés forestiers et libre évolution. Revue forestière française, 73(2-3 « Des forêts en libre évolution »), 339-365 ; doi : 10 20870/revforfr 2021 5474.

Il s’agit de considérer comment la libre évolution constitue un objectif des espaces protégés et dans quelle mesure ceux-ci ont contribué à la mise en libre évolution d’espaces naturels. Un encadré final est consacré à une mise en perspective par rapport aux stratégies mises en œuvre dans d’autres pays européens.

 

Savoie, J.-M., Thomas, M., Cateau, E., Gouix, N., & Paccard, P. (2022). Connaître les forêts anciennes et matures : comment ? pourquoi ?. Revue forestière française, 73(2-3), 179–209. https://doi.org/10.20870/revforfr.2021.5468

 

«  L’Indice de Biodiversité Potentielle (IBP) versus le suivi direct des espèces en forêt tempérée»

En complément de la calibration de l’IBP publiée en 2019 qui évaluait les relations entre chacun des 10 facteurs qui composent l’IBP avec les richesses spécifiques et les compositions d’assemblages de 9 groupes taxonomiques, ici est quantifiée les relations entre les variations du score IBP total (reflétant donc son utilisation en mode « gestionnaire »), ainsi que les variations de score individuel pour chaque facteur dépendant de la gestion, avec les variations de richesse spécifique pour 13 groupes taxonomiques.

Les principaux résultats :

  • La richesse spécifique de 5 groupes taxonomiques sur 13 augmente significativement quand le score IBP total augmente : les oiseaux, les champignons, les punaises, les lichens et les papillons de nuit
  • Les facteurs positivement corrélés aux variations de richesse spécifique dans la plupart des contextes et pour la plupart des groupes taxonomiques sont le nombre de strates verticales, la densité de TGB, la densité d’arbres porteurs de dendromicrohabitats et la proportion de milieux ouverts

Zeller L., Baumann C., Gonin P., Heidrich L., Keye C., Konrad F., Larrieu L., Meyer P., Sennhenn-Reulen H., Müller J., Schall P., Ammer C. (2022). Index of biodiversity potential (IBP) versus direct species monitoring in temperate forests. Ecological Indicators 136 : 108692

 

« La taille des arbres, la diversité des dendromicrohabitats et la structure du paysage déterminent la valeur pour les chauves-souris des arbres isolés dans les terres agricoles. »

Les principaux résultats :

  • Les grands et gros arbres avec des houppiers volumineux sont le siège d’une intense activité de pipistrelle commune et de petits murins alors que les petits arbres sont favorables à l’activité du Grand murin (cette espèce chasse surtout des proies au sol)
  • La diversité des dendromicrohabitats pouvant servir de gîte aux chauves-souris (i.e. les fentes, les écorces décollées, les cavités) favorisent l’activité de la Barbastelle (une espèce très forestière), mais seulement quand l’arbre est situé à moins de 50 m de la lisière du bois, de la Pipistrelle de Nathusius quand le paysage est hétérogène (des bois, des prairies, des cultures, des milieux aquatiques, etc.) et aussi des petits murins quand le taux de boisement est >10 % dans un rayon de 100 m autour de l’arbre.

Froidevaux, J. ; Laforge, A. ; Larrieu, L. ; Barbaro, L. ; Park, K. ; Fialas, P. ; Jones. (2022). Tree size, microhabitat diversity and landscape structure determine the value of isolated trees for bats in farmland. Biological Conservation. 267. 109476. 10.1016/j.biocon.2022.109476.

 

« Le dépérissement forestier induit par le climat entraîne des changements dans la composition des communautés d'insectes qui sont plus prononcés pour les espèces rares »

Cette étude avait pour but de mesurer l’effet du dépérissement de certains peuplements de sapin pectiné dans les Pyrénées sur les communautés d’insectes forestiers. L’originalité de ce papier est d’utiliser le métabarcoding pour évaluer les communautés d’insectes à partir de captures de tentes Malaise, ce qui a permis de prendre en compte des « dark taxa » comme les Diptères et les Hyménoptères, quasiment jamais étudiés, malgré leur très forte diversité, car difficiles à identifier.

Les principaux résultats :

  • Pas d’effet du dépérissement sur la richesse spécifique à l’échelle de la placette, mais effet significatif sur la composition des assemblages et les groupes fonctionnels
  • Les variations d’assemblages sont principalement expliquées par l’ouverture de la canopée, la densité et diversité des dendromicrohabitats et le volume de bois mort

Sire, L.; Schmidt Yáñez, P., Cai, W.; Bézier, A.; Courtial, B.; , Cours, J.; Fontaneto, D.; Larrieu L.; Bouget, C.; Thorn, S.; Müller, J.; Yu D.; Monaghan, M.; , Herniou, E.; Lopez-Vaamonde, C. (2022) Climate-induced forest dieback drives compositional changes in insect communities that are more pronounced for rare species. Communications Biology volume 5, 57. https://doi.org/10.1038/s42003-021-02968-4

 

 « Facteurs influençant le taux de formation des microhabitats liés aux arbres et implications pour la conservation de la biodiversité et la gestion des forêts »

Dans ce papier est appliqué le modèle publié dans Method in Ecology and Evolution (Courbaud et al.2017) à un maximum d’essences et de dendromicrohabitats. Grâce à une base de données qui devient conséquente (dans ce papier, 80 000 arbres observés sur 2350 plots), les modèles ont été construits pour 19 « essences » (regroupé parfois au genre) et 11 groupes de dendromicrohabitats.

Benoit Courbaud est aussi le concepteur de Samsara, un simulateur de dynamique de peuplement forestier (pour l’instant calibré pour les peuplements mixtes de montagne, mais en cours de calibration pour des écosystèmes forestiers de plaine). Il est donc maintenant possible de tester les effets à long terme des itinéraires sylvicoles sur les caractéristiques des peuplements de montagne dans le cadre d’une gestion intégrative, en prenant en compte l‘évolution du stock de bois mort et de dendromicrohabitats.

Courbaud, B., Pupin, C., Letort, A., Cabanettes, A., & Larrieu, L. (2017). Modelling the probability of microhabitat formation on trees using cross‐sectional data. Methods in Ecology and Evolution, 8(10), 1347-1359.

Courbaud, B., Larrieu, L., Kozak, D., Kraus, D., Lachat, T., Ladet, S., ... & Zudin, S. (2022). Factors influencing the rate of formation of tree‐related microhabitats and implications for biodiversity conservation and forest management. Journal of Applied Ecology, 59(2), 492-503.

Octobre - 2022