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Par Justine Quetier, coordinatrice de la Réserve de biosphère du bassin de la Dordogne.

Une semaine avant le 5e Congrès mondial des Réserves de biosphère, j’ai eu la chance d’être invitée à présenter la Réserve de biosphère du bassin de la Dordogne dans diverses Alliances françaises (AF) en Chine. La tournée était organisée dans le cadre d’un partenariat entre le MAB France et la Fondation des Alliances françaises pour engager les Alliances françaises à s’impliquer dans des projets de préservation de la biodiversité sur leur territoire. J’ai donc eu la chance d’être accueillie, et disons-le chouchoutée !, par des équipes aux petits soins qui m’ont guidée à la découverte de la culture chinoise.

Au total, ce sera un voyage de deux semaines dans un pays à la culture complexe et en pleine évolution. Une première en Asie et une première dans un pays dont je ne maitrise pas la langue. Bref, une première ! Je ne sais ce que j'appréhende le plus. La langue, la culture, la grandeur et l'étendue des villes et du pays en général, le climat... Probablement un mélange de tout ça !

Plongée dans un monde urbain surdimensionné

Au programme de cette tournées des AF, trois grandes villes chinoises : Canton dans le sud ; Wuhan et Nankin, toutes deux situées le long du fleuve Yangtsé.

  • Canton (Guangzhou - 广州) est la plus grande ville du Sud de la Chine (environ 15 millions d'habitants) et la troisième du pays. Traversée par la rivière des perles, elle est proche du delta du même nom où se trouvent aussi Macao et Hong-Kong. Sortie de l’aéroport, accueillie par le climat chaud et humide, je comprends vite que les 2 pulls embarqués dans la valise seront peu utiles.
  • Wuhan (汉) est située en Chine centrale, le long du fleuve Yangtsé et présente peu de relief. Ça se ressent sur le climat, toujours chaud mais moins humide. Les locaux de l’Alliance française sont situés au sein de l’université de Wuhan, en plein cœur économique de la ville.
  • Nankin (Nanjin - 南京) est la ville la plus à l’Est des trois, aux portes du delta du Yangtsé, proche de Pékin et Shanghai. C’est l'une des plus anciennes villes de Chine du Sud et une ancienne capitale impériale.

Ce qui frappe en arrivant dans ces villes, c’est leur étendue. Des jungles d’immeubles et de routes où les quartiers modernes aux buildings d’affaires jouxtent les tours d’habitation. La population est dense et le trafic aussi. C’est un tourbillon de voitures, d’enseignes, de lumières, de machines automatiques et de personnes en scooter ou à vélo. Mais l’absence des moteurs thermiques remplacés par le tout électrique rend tout cela étonnamment peu bruyant.

La nuit ne vide pas les rues. Au contraire, les commerces restent ouverts et l’on peut s’offrir une coupe, un rasage, une manucure bien après que le jour soit couché. Il fait plus doux. C’est l’occasion de sortir faire un peu de sport ou de jouer avec les enfants près des stades ou sur les places.

Baguettes, téléphone et transports

Cette semaine a été l’occasion de découvrir des spécialités culinaires locales, et de me rendre compte que je ne pratique pas assez le maniement des baguettes ! Chaque ville a ses coutumes et recettes.
A Canton par exemple, une pratique traditionnelle consiste à laver les couverts avec de l’eau chaude ou du thé avant de manger, même si ceux-ci sont propres et dans un emballage. Autrefois, les couverts étant entreposés à l’air libre pouvaient être poussiéreux. On les lavait donc avant chaque usage.
Si les plats ont une base commune (nouilles, riz, viande, poisson), les nuances et recettes se retrouvent dans la façon de les cuisiner et de les assaisonner avec des herbes ou plus ou moins d’épices. Entre autres découvertes : les Saint-Jacques à la cantonnaise, les petits pains farcis avec des légumes sauvages et cuits à la vapeur (yěcài bāozǐ) et les raviolis en soupe (tāng bāo) de Nankin, les légumes croquants, les poissons d’eau douce…

Pour choisir le repas, on sort le téléphone. D’ailleurs, en Chine, le téléphone sert à tout : commander, traduire, payer, se déplacer… Tout fonctionne de façon dématérialisée avec quelques applications principales. Ne jamais oublier de prévoir une banque de charge externe au risque de ne pas pouvoir manger ou de se retrouver à devoir marcher pour rentrer !

Nature, culture et Réserve de biosphère

Un contraste frappant à l’arrivée dans le pays est la place de la nature et la relation que les habitants entretiennent avec elle. Les trois villes sont parsemées d’allées arborées, de parcs verts, de fleuves et rivières. Cette nature fait partie du décor mais peut aussi être une destination à part entière.

La place de la végétation et les parcs naturels

Le Haizu Wetland Park et la montagne Baiyunshan à Canton, le Xixi national park, le parc du West lake ou encore le Wushan square à Hangzhou (ville du 5e Congrès mondial) sont quelques sites que j’ai pu visiter pendant le séjour. Ces endroits très proches des villes, parfois même accessibles en métro, sont de vraies destinations bien-être et « nature » pour les habitants. Et c’est le mot : destinations ! On y vient pour visiter, se balader sur des sentiers aménagés, profiter de commerces, visiter des reconstitutions de monuments historiques traditionnels (pagodes, temples, maisons de pêcheurs…) qui peuvent aussi faire office d’écomusées. Vastes, ils permettent de s’évader de la ville et du bitume pour une journée complète.

La Réserve de biosphère de Dinghushan

L’Alliance française de Canton a développé un partenariat avec la Réserve de biosphère de Dinghushan, à 1h30 de route de la ville. L’occasion pour nous de visiter les lieux en compagnie de la responsable, Mme Peng, et de sa collègue en charge de la pédagogie.

Dinghushan est située près du tropique du Cancer mais, contrairement aux zones arides que ce méridien traverse habituellement, la Réserve de biosphère abrite une forêt primaire de feuillus sempervirente de mousson subtropicale parmi les plus anciennes de la Chine (400 ans). Elle fait partie des trois premières Réserves de biosphère chinoises désignées en 1979. Les montagnes de Dinghu sont, elles, classées en réserve naturelle nationale depuis 1959. Dinghushan signifie littéralement « La montagne du lac chaudron ». Elle tient se nom de sa forme donnant l’impression d’encercler un lac (« Hu »), « shan » désignant la montagne et « ding » le chaudron.

L’aire centrale de la Réserve abrite la partie forestière, la zone tampon et l’aire centrale étant ouvertes au public. On accède à un point de vue donnant sur la forêt et la montagne par un petit train. Sur la place du belvédère, trône un chaudron géant à la réputation de porte bonheur. Traditionnellement, l’on vient y jeter des souhaits. Si le souhait atterrit dans le chaudron, il se réalisera dans l’année. Un rendez-vous incontournable pour les jeunes qui passent leurs examens !

Le Yangtsé, le fleuve bleu

Plus long fleuve de Chine avec 6 380 km et troisième du monde, le Yangtsé est un fleuve à la puissance impressionnante (débit de 30 000m3/s). Ses eaux abritent notamment 370 espèces de poissons, dont l’esturgeon, des marsouins aptères, des alligators. A Nankin, des ferries font la navette quotidienne connectant la rive droite, et le cœur économique de la ville, et la rive gauche, plus historique avec d’anciens quartiers de pêcheurs mais où se développent de nouveaux quartiers touristiques misant sur le patrimoine traditionnel.

Deux gares se trouvent encore sur chacune des rives. A l’époque impériale, les wagons des trains étaient chargés sur les bateaux pour franchir le fleuve. Si l’empereur venait à mourir, son cercueil était transporté par voie ferrée jusqu’à la Montagne pourpre, mont situé en plein cœur de la ville et lieu de sépulture impériale.

Une autre image de la culture française à travers la Réserve de biosphère

Les conférences dans les Alliances de biosphère ont été organisées pour faire le lien avec les Trophées de l’éco-responsabilité, lancés annuellement par le MAB France et la Fondation Alliances françaises dans toutes les AF du monde. L’occasion était pour les AF d’accueillir des représentants du réseau MAB français pour présenter des actions menées pour préserver la biodiversité et la culture locale.

Pour Canton et Wuhan, le public des conférences était composé d’étudiants en français et de Français expatriés intéressés par les questions de préservation de la biodiversité. Au-delà des questions purement liées à l’écologie (faune, flore) de la réserve, de nombreuses questions ont porté sur la façon dont nous travaillons avec les associations locales, avec les artistes, les écoles, entre les institutions. Comment les traditions locales viennent soutenir la connaissance de la biodiversité et comment elles participent à créer un lien d’attachement fort aux espèces qui donne envie de les préserver ? L’on ne s’en rend peut-être pas compte, mais il semble que par ses écrivains, ses artistes, la France donne une image où la nature a une place culturelle. Les paysages ruraux avec peu d’aménagements, la place de la nature dans les arts, le message écologique de Saint-Exupéry dans « Le Petit Prince » (question posée par un étudiant !)… sont autant de « messages » que nous envoyons. Alors que dans la réalité, au quotidien, ce n’est pas ce que nous vivons.

Alors, comment peut-on ressentir un tel décalage entre l’image que nous renvoie un auditoire étranger et notre réalité sur la « naturalité » de la France ? Est-ce le même décalage que celui que j’ai ressenti en voyant une nature beaucoup plus présente dans les villes chinoises que dans les nôtres mais une nature qui semble pourtant plus artificialisée ?

Octobre - 2025